(Cet article publié en plein procès Martin n'engage que la responsabililité du Journal l'Union )

 

Procès Bricout et Delbeck / « Pierre Martin est le

réalisateur d'un mauvais film »

Publié le mercredi 16 mars 2011 à 09H02

 

REIMS (Marne) Hier, le procureur de Reims a requis quatre ans de prison dont un an ferme à l'encontre de Pierre Martin. Il réclame deux ans de prison dont six mois avec sursis pour Louis Fariello, « le metteur en scène », comme pour Luc Lhermite, « le second rôle ».

 

 

LES trois principaux acteurs de l'incroyable scénario de la chute de l'empire Martin peuvent retourner en prison. Car les deux mois de détention provisoire - effectués en mai et juin 2003 - par Pierre Martin, Louis Fariello, son directeur financier et le courtier en vins Luc Lhermite ne couvrent pas le quantum des peines réclamées par Fabrice Belargent. Le procureur de Reims a en effet demandé quatre ans de prison dont un an ferme à l'encontre de Pierre Martin. Pour les deux autres prévenus, il requiert une peine identique : deux ans de prison dont six mois ferme. Et pour le trio « la faillite personnelle pendant une durée de quinze ans et la privation des droits civils et civiques pendant cinq ans ».

« Le système Martin »


Les peines requises sont en conformité avec le préjudice record estimé à 53 millions d'euros par les parties civiles et par l'ampleur du scandale qui a éclaboussé le monde du champagne en mars 2003

Gerard PERON

(Photo archive l'Union)

à l'annonce de la déconfiture de l'empire Martin sur fond d'escroqueries, de banqueroute et de faux divers et variés (nos deux précédentes éditions). « Pierre Martin a provoqué un sinistre financier avec un préjudice colossal pour sauver ses sociétés et ses intérêts sans aucun scrupule. » Fabrice Belargent ne mâche pas ses mots pour celui qui avait « les yeux plus gros que le ventre » et qui était « bouffi d'orgueil » au point d'orchestrer une fuite en avant par « la cavalerie » plutôt que « d'admettre qu'il s'était planté et en tirer les conséquences ». C'est-à-dire déposer le bilan.
Au lieu de ça, le patron des champagnes Bricout et Delbeck est devenu le chef d'orchestre des escroqueries aux fausses factures, qu'elles soient fictives ou en doublon. Ce qu'il ne peut nier « à partir du moment où il s'adresse directement aux maisons de champagne qui vont révéler l'ampleur de la catastrophe ». Fabrice Belargent parle d'un « système » qui repose sur une holding complexe « pour jeter un rideau sur la réalité ». « Il a choisi d'être au centre d'une nébuleuse qui aspirait les euros par milliers. Il doit l'assumer jusqu'au bout car il en a profité tout comme de la confiance dont il jouissait », poursuit-il.

 


« Mais le système Martin ne pouvait prospérer sans Louis Fariello. » Celui que Fabrice Belargent désigne comme « le réalisateur du mauvais film ». Faux bilans, comptabilité gonflée aux factures fictives, encours ruineux… Il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'il a secondé « Martin l'autodidacte », aux yeux du procureur. Luc Lhermite, « le second rôle », n'est pas davantage épargné. Factures et confirmations fictives pour les escroqueries au factor, confirmation de compléments de prix fantômes… Luc Lhermite, « le bon compagnon », était récompensé par des commissions bien réelles sur opérations bien fictives, dans l'espoir de devenir le premier courtier de champagne. Peut-être aussi pour rouler des mécaniques, « lui en Jaguar et madame en Porsche ».

 

Les défaillances


Pour autant, Fabrice Belargent n'offre pas un boulevard aux parties civiles, les renvoyant à « un examen de conscience ». « Les gens du monde du champagne ont tiré bénéfice des opérations initiées par Martin (ventes à réméré). » Il prend aussi ses distances avec Eurofactor qui a manqué de vigilance ou encore avec les banques qui « se sont contentées de bilans bricolés ». Il égratigne au passage le CIVC, « l'acteur passif qui voit passer les balles près de sa tête sans réaction » et les commissaires aux comptes, « ces professionnels qui ont failli à leur mission ».
« Et comme il faut aller au bout du raisonnement, l'Etat a été défaillant dans ses contrôles car les douanes n'ont pas opéré de vérifications sur le terrain, se contentant des déclarations des employés de Martin », a conclu le procureur. Tout ceci explique sans doute que nombre de parties civiles ont pris la clé des champs. La boucle est bouclée. Le tribunal s'est donné jusqu'au 5 mai pour rendre sa décision.

 

Eric LAINÉ
elaine@journal-lunion.fr

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